MAVRIK♦

Bonjour et merci d’accorder quelques minutes à notre magazine. Avant que l’on commence, simplement pour l’interview, pourriez vous me rappeler depuis combien de temps travaillez-vous pour l’Agence maintenant ?
Je hochais la tête en guise de bonjour, un sourire prudent accroché sur les lèvres. Depuis un an, maintenant. Je m'étais toujours méfié des journalistes, et mes réponses brèves ainsi que mon attitude faussement décontractée devait facilement trahir ma nervosité.

Dîtes moi ce qui vous a poussé à devenir mannequin. Ce n’est pas le genre de carrière que l’on choisi par hasard.
Je ne pus m'empêcher de sourire franchement. Le mannequinat n'étais pas une vocation chez moi, bien au contraire. Depuis tout jeune j'étais destiné aux tristes bureaux d'avocat, ou bien encore à une brillante carrière en médecine. J'avais fui cette prison dorée qu'était l'Upper East Side, et la vie toute tracée que mes parents m'avait choisi. J'étais finalement revenu à New York, mais avait définitivement coupé les ponts avec ma famille. Ce travail, je l'avais accepté plus par nécessité que par envie. Je ne sais pas. Je suppose que quand on vous fait ce genre d'offre, on ne peut que l'accepter, n'est-ce pas ?

Entre nous, Mindy est elle vraiment à l'image de sa réputation ?
Je haussais les sourcils, pris au dépourvu par cette question. Je tentais de masquer un maximum ma surprise par un rire qui se voulait plein de confiance. Tout dépend l'image que vous vous faites de sa réputation, mais Mindy est une femme performante. Je veux dire, elle sait ce qu'elle fait, c'est une battante et, ouais, elle a ça dans le sang. Je considérais ma réponse avec scepticisme, très peu satisfait de la tournure que prenait l'interview. Vous savez, c'est le genre de femme qui sait ce qu'elle veux et qui ne laissera personne se mettre en travers de son chemin. Elle sait ce qu'elle fait.


Vous souvenez vous de la première fois que vous l'avez rencontrée ?
Je pense que c'est quelque chose dont chacun d'entre nous se souvient. Mindy n'est pas vraiment le genre de personne qu'on oublie comme ça. Je me caressais pensivement la lèvre de l'index. J'avais passé un casting quelques jours plus tôt après m'être fait repéré dans un bar par un talent scout. Un des agents de the Agency m'a repéré, et m'a demandé de passer faire un tour à l'agence après avoir pris mes coordonnées. Je dois avouer qu'au début j'étais plutôt septique. Je venais d'entrer dans le monde de la mode, et déjà, une prestigieuse agence me repérait. Je n'ai pas vraiment pris ça au sérieux, mais j'ai fini par fixer rendez-vous avec l'agent en question. Je dois avouer que l'agence était assez impressionnante. En dehors de l'architecture ultra-moderne, limite futuriste, l'agitation qui régnait dans les bâtiments était assez déstabilisante. Une secrétaire m'a amenée jusqu'au bureau de Mindy, et je crois que j'ai du attendre dix bonnes minutes avant qu'elle ne me fasse entrer. J'eus à peine le temps de reprendre mon souffle, chamboulé par cette véritable fourmilière, que Mindy m'adressa enfin la parole. M'adresser la parole était une énorme exagération, elle m'avait en faites indiquer d'un signe de main impatient le siège qui était face à elle, sans même m'accorder un regard. Je dois avouer qu'elle avait l'air assez débordée, mais l'entretien a commencé quelques instants après. Débordée, ouais, plutôt deux fois qu'une ! Elle avait un téléphone vissé sur l'oreille, et écrivait à une allure surprenante de l'autre main. Je ne me rappelle plus des termes exacts de la discution, mais juste d'avoir la désagréable sensation d'avoir raté l'entretien en sortant du bureau. Cette réflexion s'est affirmée les jours suivants, en ne recevant aucune réponse. Je ne dirais pas que j'étais dévasté, mais probablement un peu déçu, ouais. Et puis deux semaines après, au moment où je m'y attendais le moins, j'ai reçu un appel de sa secrétaire qui m'a demandé quand j'étais prêt à commencer.
Je me raclai la gorge, et me repositionnait correctement dans le fauteuil, soudainement fatigué par le flot de paroles que je venais de déverser.

Si je comprends bien, en entrant dans l'Agence vous avez dû vous installer à New-York, dans la Résidence Opale ? Cela vous a t-il beaucoup changé de là où vous habitiez avant ?
Hmm, pas exactement. Je suis originaire de New York. M'étendre sur mes origines ne me plaisait pas particulièrement, aussi répondis-je vaguement à la question en sortant une réponse pré-fabriquée. Mais la vie en communauté diffère beaucoup de ce à quoi j'étais habitué. C'est un mode de vie tout à fait intéressant.

Venons en aux autres mannequins. Ne me dites pas que tout est toujours rose entre vous, je suis sûre qu'il doit y avoir quelques ... crêpages de chignon, je me trompe ?
Je ne sais pas si on peut vraiment qualifier cela de crêpages de chignon. Vous savez nous avons une vie particulièrement stressante et pleine de contraintes. Nous avons beaucoup de pression. Alors c'est vrai qu'ils arrivent à certains de s'accrocher un peu, mais ce n'est jamais vraiment méchant. Je ne savais pas si ma réponse était satisfaisante et encore moins, crédible. J'accompagnais ma déclaration d'un sourire charmeur que j'avais appris à effectuer à la perfection durant cette année de mannequinat. Au moins quelque chose qui m'étais utile.

Quel est le pire coup pas que quelqu'un vous ait fait ici ?
Je simulai un air faussement outragé. Je sais qu'il y a des côtés du mannequinat assez sombre, mais n'allez pas croire que notre vie est semblable aux séries télévisées. Nous vivons relativement bien notre vie en collectivité, et profitons d'être tous "dans le même panier", si vous me passer l'expression, pour au contraire s'entraider. Je vous assure que nous sommes bien loin de ces préjugés sur le monde de la mode. Je fronçais intérieurement les sourcils. J'y étais peut être allé un peu trop fort sur le côté "idyllique" de l'expérience.

Spoiler:

Et votre meilleur souvenir ?
Je me détendis un peu, relâchant mon dos contre le dossier du siège. Je pense que mon intégration même dans l'agence est un excellent souvenir. C'est une expérience vraiment enrichissante, vous savez ? Je me considère vraiment comme chanceux de pouvoir la vivre en ce moment même. Travailler pour les plus grands noms de la mode, défiler, poser... tout ça est vraiment très gratifiant. C'est un métier relativement surprenant, fait d'imprévus et de coups durs, mais je ne le changerais pour rien au monde. Je fis une pause, le temps de chercher à compléter plus précisément ma réponse. En fait, je pense pouvoir dire sans trop d'hésitation que mon meilleur souvenir remonte à un des premiers shoot que j'ai fait pour l'agence.

Spoiler:

Très bien, merci beaucoup. Je pense que j'ai ce qu'il me faut et que nous en avons finit. Bonne continuation, au revoir.
Nouveau hochement de tête en guise de salut. Une fois le journaliste partit, je passais ma main sur mes paupières, me relâchant contre le dossier du siège et abandonnant subitement le sourire que j'avais adopté durant tout l'entretien. L'interview m'avait littéralement éreinté. Et j'avais beau m'en être plutôt bien sortit dans l'ensemble, je ne pouvais m'empêcher de penser que j'aurais pu faire mieux. Réaction typique de ma part, je n'étais jamais pleinement satisfait de ce que je faisais; et mon aversion pour les journalistes n'arrangeait rien.